La fiscalité belge traverse une phase de réforme significative, avec des mesures qui bouleversent les repères des investisseurs immobiliers. Voici un tour d’horizon des évolutions à anticiper et des pistes pour s’adapter efficacement.
Fin de la déductibilité des intérêts d’emprunt


Jusqu'en 2025, un propriétaire pouvait déduire les intérêts d’un emprunt lié à un bien immobilier locatif de sa base imposable à l’impôt des personnes physiques. Le gouvernement prévoit de supprimer cette déductibilité des intérêts d’emprunt pour les logements autres que la résidence principale. Cela concerne donc les immeubles locatifs, les résidences secondaires ou les projets d’investissement privé.
Champ d’application
La réforme s’appliquerait à partir du 1er janvier 2025 (exercice d’imposition 2026) et concernerait aussi bien les nouveaux crédits que les crédits en cours, ce qui revient à un effet rétroactif sur le plan économique.
Piste d’optimisation : l'achat en société
Tout d'abord, rappelons que même sans déduction des intérêts, le régime fiscal des loyers reste modérément imposé par rapport aux revenus mobiliers (dividendes d’actions et aux intérêts d’obligations) qui sont taxables à 30%.
Cependant, il existe une piste à explorer pour minimiser, voir éviter, l'impact de cette nouvelle mesure : l'achat en société.
Investir via une société offre plusieurs avantages : les intérêts d’emprunt, les frais d’acquisition, le précompte immobilier et les frais d’entretien y sont entièrement déductibles. Les bâtiments et travaux peuvent quant à eux être amortis sur plusieurs années. Résultat ? Les premières années, la société immobilière dégage généralement une perte comptable, ce qui signifie aucun impôt à payer.
Et ce n’est pas tout : si le bien immobilier est revendu 8 ou 10 ans plus tard avec une plus-value, il est possible de reporter l’impôt grâce au mécanisme de remploi. En réinvestissant dans un nouveau bien, on relance un nouveau cycle d’amortissements et de charges déductibles. Ce mécanisme permet de compresser, voire d’annuler, la base imposable pendant de nombreuses années.
Attention tout de même, cette solution n'est pas recommandée pour tous les profils d'investisseurs, comme l'explique Mikael Gossiaux dans notre webinar...
Visionner le webinarEncadrement des montages de type "share deal"


Un autre aspect abordé par l'accord de Pâques est la volonté de limiter les montages de type « share deal » qui permettent d’éviter les droits d’enregistrement applicables en cas de vente directe d’un bien immobilier.
Le "share deal" c’est la traduction anglaise de vente d’actions. C’est donc une opération qui consiste à vendre les actions d’une société. Dans l’immobilier, par définition, cette société est propriétaire d’un ou plusieurs biens immeubles. Si la société vendait l’immeuble, l’acheteur aurait à payer le droit de vente de 12,5%. Mais comme c’est l’actionnaire qui vend les actions de la société, sur cette opération, le droit de vente n’est pas dû. Je relève par ailleurs que fiscalement, comme la société ne vend pas l’immeuble, on évite la taxation de la plus-value en société et comme le prix de vente des actions arrive directement dans la poche de l’actionnaire, on évite une distribution de dividendes… cela fait beaucoup d’impôt évités... et évidemment, cela ne plaît pas à l’administration fiscale.
Champ d’application
Le gouvernement affiche une volonté de restreindre ces montages, mais à ce jour, aucun texte concret n’est publié. L’accord de gouvernement appelle surtout les Régions à se mobiliser sur le sujet.
Pistes d’optimisation : anticiper les oppositions
Vous l’aurez compris : à ce jour, rien d’inquiétant pour les investisseurs. Mais prudence tout de même. Les Régions disposent déjà d’un levier juridique bien connu pour remettre en question certaines opérations : la notion d’abus fiscal.
Comme le souligne Mikaël Gossiaux, une transaction de type "share deal" doit être parfaitement préparée. Il est essentiel de documenter avec rigueur la valeur du bien, celle de la société, les éventuelles dettes ou latences fiscales, etc.
En résumé : ne vous lancez pas dans une vente immobilière via société sans accompagnement professionnel. Un montage mal préparé peut rapidement se retourner contre vous.
Taxation des plus-values mobilières


Le gouvernement prévoit une contribution de solidarité de 10 % sur les plus-values réalisées sur les actions, obligations et cryptomonnaies. Il s’agit donc d’instaurer un prélèvement supplémentaire sur les plus-values mobilières, qui étaient jusqu’à présent peu ou pas imposées en dehors du cadre professionnel.
Bien que cette mesure ne touche pas directement à l'immobilier, elle pourrait rendre l’investissement immobilier plus attractif, notamment parce que les plus-values immobilières sont exonérées d’impôt après cinq ans de détention (contre dix ans pour les actions).
Et même lorsque les plus-values immobilière sont taxables, par exemple en cas de revente endéans les cinq ans, la méthode de calcul de la plus-value est très favorable.
A titre d’exemple, imaginons que j’achète un immeuble de rapport à 800.000 € et que je le revends 4 ans plus tard à 1.050.000 €. Très belle opération, j’ai bien acheté et bien vendu. La plus-value de 250.000 € ne sera en réalité pas taxable. Pourquoi ? Par ce que pour calculer la plus-value imposable, on ajoute au prix d’acquisition de 800.000 € un forfait de 25 % (200.000 €) et, sur le total de ce montant, on ajoute encore 5 % par année complète de détention (50.000 €/an dans mon exemple).
Stratégies d’optimisations fiscales
On le voit, le gouvernement réduit de plus en plus les avantages fiscaux accessibles aux investisseurs. Alors, y a-t-il encore une marge de manœuvre intéressante ? C'est la question que nous avons posé à Mikaël Gossiaux.
Les stratégies fiscales pour les investisseurs immobiliers en 2025
En personne physique, les marges de manœuvre fiscales restent limitées, notamment en matière d’impôt direct. Les stratégies s’orientent donc majoritairement vers la transmission du patrimoine, avec des dispositifs comme l’acquisition conjointe avec ses enfants, que ce soit en indivision ou via un démembrement de propriété (usufruit/nue-propriété).
En société, en revanche, les leviers sont bien plus nombreux.
On peut par exemple :
Utiliser l’endettement pour réduire la base imposable,
Remployer le produit d’une vente afin d’étaler l’imposition sur la plus-value,
Structurer une acquisition en usufruit/nue-propriété, une formule particulièrement avantageuse lorsque l’actionnaire dispose de liquidités suffisantes,
Ou encore vendre les actions de la société plutôt que le bien lui-même, avec des implications fiscales souvent plus favorables.
Conclusion
Dans un contexte fiscal mouvant, l’inaction devient le plus grand risque. Il ne s’agit pas de fuir les réformes, mais de les comprendre pour mieux les intégrer à sa stratégie patrimoniale. Bien conseillé, un investisseur peut encore tirer avantage de nombreux dispositifs, en particulier via les sociétés. Reste à faire les bons choix… et à les faire sans attendre.
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